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Étudier les frontières intra-européennes pour mieux les gérer

Cet article vous est proposé par Stéphanie Robert pour le magazine Savoirs.

Vers l’article

Avec les actions Jean Monnet, l'Union européenne promeut et distingue les actions d'excellence pour l'enseignement supérieur et la recherche sur l'Europe. L'Université de Strasbourg se distingue en la matière. Après le centre d'excellence Jean Monnet labellisé en 2018, le réseau Frontem est le premier réseau Jean Monnet coordonné par une université française.

Birte Wassenberg, directrice adjointe de Sciences Po Strasbourg et directrice du réseau Frontem.Née en Allemagne, étudiante au Royaume-Uni, à Strasbourg et à Bruges, résidente à Kehl, historienne de l’intégration européenne à Sciences Po Strasbourg, Birte Wassenberg a l’Europe dans la peau, dans son ADN. C’est sans doute aussi pour cela que l’Université de Strasbourg lui doit six actions labellisées Jean Monnet : trois projets, une chaire, le centre d’excellence de Sciences Po Strasbourg, dont elle est directrice adjointe, et le dernier né, le réseau Frontem. Il vient d’être sélectionné par l’UE au titre des réseaux Jean Monnet. C’est le premier coordonné par une université française. 300 000 euros sont alloués sur trois ans, le plus gros budget des actions Jean Monnet (voir encadré). Birte Wassenberg est fière de cette distinction, remportée avec l’aide du Pôle unique d’ingénierie (PUI).

Des frontières complexes et particulières

Coordonné par Sciences Po Strasbourg, le réseau Frontem implique un consortium de sept partenaires européens et canadiens : la Syddansk Universitet au Danemark, le Centre for Cross Border Studies en Irlande du Nord, l’Universitatea Babes Boyai en Roumanie, l’Université catholique de Louvain en Belgique, l’Université de Victoria au Canada et l’Euro-Institut de Kehl.

L’enjeu de ce réseau d’historiens, politologues, géographes ou économistes, est une étude comparée sur la représentation et la gestion des frontières à l’intérieur de l’UE. Elle s’appuie sur cinq cas particuliers, étudiés par chacun des partenaires : la frontière de la réconciliation franco-allemande, la frontière sécurisée entre le Royaume-Uni et la France, la frontière invisible entre l’Irlande et l’Irlande du Nord, la frontière comme modèle d’intégration des minorités entre le Danemark et l’Allemagne et la frontière linguistique entre la Roumanie et la Hongrie (voir ci-contre). Dans un second temps, ces cas seront comparés à celui de la frontière entre le Canada et les États-Unis.

In fine, cette action vise à donner du grain à moudre aux politiques pour améliorer la gestion des frontières, en prenant en compte leurs spécificités et en s’inspirant d’autres pays. « L’Europe sans frontières est une belle idée, mais on a oublié de regarder les frontières en détail. On ne fait pas seulement tomber une frontière économique, il existe des frontières nationales, politiques, culturelles, linguistiques, qu’on ne peut pas faire disparaître. La frontière sépare, mais elle protège aussi, il y a une dualité dans sa fonction », explique la chercheuse.

In fine, cette action vise à donner du grain à moudre aux politiques pour améliorer la gestion des frontières.

Focus group avec la société civile

Chaque cas d’étude comprendra deux journées de débat et d’échanges : l’une entre les chercheurs du consortium, des politiques et acteurs locaux ; l’autre avec des représentants de la société civile. Ces focus groups sont, pour Birte Wassenberg, toute l’originalité et l’intérêt de ce projet. « Ce concept d’ouverture à la société civile a sans doute été déterminant pour la sélection du projet par l’UE. » Ces focus group seront filmés et diffusés pour toucher un public plus large que la seule communauté universitaire.

Les actions Jean Monnet de l’UE

Dans le programme Jean Monnet, l’Union européenne distingue et finance des modules, des chaires, des projets, des centres d’excellence et des réseaux. Le financement s’élève respectivement à 30 000 euros, 50 000 euros, 60 000 euros, 100 000 euros et 300 000 euros. Créé en 1989, le programme vise à promouvoir l’excellence dans l’enseignement supérieur et la recherche dans le domaine des études européennes au niveau mondial, ainsi que le dialogue entre les universitaires et les politiques pour une meilleure gouvernance de l’UE. Depuis 2014, il est intégré au programme Erasmus+.

Forte de son ancrage au cœur de l’Europe, l’Université de Strasbourg a remporté depuis 1990 neuf chaires, trois modules, trois projets, un centre et un réseau, labellisés Jean Monnet.

www.agence-erasmus.fr/page/jean-monnet

Cinq modèles de frontières intra-européennes

France – Allemagne – Suisse : la coopération pour réconcilier (Université de Strasbourg et Euro-Institut de Kehl)

Fidèle à ses champs de recherche sur les frontières et l’intégration européenne, Birte Wassenberg explorera la manière dont la région transfrontalière franco-suisse-allemande a utilisé la coopération pour construire la réconciliation.

Royaume-Uni – France – Belgique : une frontière sécurisée (Université de Louvain)

Les chercheurs étudieront la frontière franco-britannique marquée par la construction du tunnel sous la Manche, la problématique des migrants (jungle de Calais) et celle du Brexit, d’autre part, la frontière franco-belge, citée comme exemplaire en matière de coopération.

Irlande – Irlande du Nord : une frontière invisible et pacifiée (Centre for Cross Border Studies)

Les accords de paix du Vendredi Saint en 1998 ont fait disparaître cette frontière physique entre les deux Irlande, terre de conflits pendant trente ans ayant entraîné des milliers de morts. « Cette frontière est passionnante car c’est la seule que je connaisse qui soit invisible, et cela garantit la sécurité et la paix. Ce qui va à l’encontre du discours actuel », commente l’historienne. Le Brexit soulève de nouveaux enjeux politiques.

Danemark – Allemagne : l’intégration des minorités (Syddansk Universitet)

Cette région transfrontalière, où vivent de part et d’autre des minorités du pays voisin, est souvent citée en exemple pour l’intégration des minorités par la coopération.

Roumanie – Hongrie : coexistence des communautés (Universitatea Babes Boyai)

Une importante communauté hongroise vit en Roumanie, suite à la Première Guerre mondiale qui a vu le rattachement de la Transylvanie à la Roumanie. L’étude abordera la manière dont peuvent coexister les deux peuples, les deux langues et les deux cultures.

L’appui du PUI

Le Pôle unique d’ingénierie accompagne les chercheurs dans le montage de leurs projets (conseils, budget, aide à la rédaction, pièces administratives…) et dans leur suivi (réunions, gestion administrative et financière…). Une aide précieuse dont a bénéficié Birte Wassenberg, avec l’accompagnement de Caroline Carlot-Schmitt, ingénieur projets internationaux au sein du PUI.

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