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Table ronde autour de l’Europe sans frontières : populisme, euroscepticisme et aspects légaux des frontières

Ce séminaire examine le narratif d’une Europe décentralisée en examinant les effets de la crise COVID19 sur la coopération transfrontalière. L’accent est mis sur la remise en cause des espaces intégrés transfrontaliers et de la gestion multi-niveaux des frontières territoriales par le processus de (re)frontiérisation. Par une confrontation entre exposés des étudiants et communications de chercheurs et d’acteurs, un regard critique sera porté sur les conséquences de la crise sur la cohésion sociale et territoriale dans les régions frontalières de l’UE. Le séminaire examine aussi des possibles solutions pour des mécanismes innovateurs de la gestion des frontières dans les territoires transfrontaliers tels que proposés par le traité d’Aix-en Chapelle.

Cette tâche correspond à l’évènement E1.3.

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Harald Leibrecht & Birte Wassenberg, prononçant les discours d’accueil.

Discours de Bienvenue de Harald Leibreicht

Le deuxième jour, les castle-talks ont débuté à 8h30 par un chaleureux discours de bienvenue du châtelain du château de Pourtalès, Harald Leibrecht. Il a rappelé ce qu’était la fondation CEPA, qui est l’organisateur partenaire de l’événement. C’est grâce à cette fondation que des étudiants étrangers suivent une formation sur les études européennes au château de Pourtalès, et qu’ils ont présenté certains de leurs travaux dans la disputatio au cours de la journée. Birte Wassenberg a pris la parole après Harald Leibrecht, rappelant que les Entretiens du château étaient organisés dans le cadre des activités Jean Monnet de Sciences Po Strasbourg, c’est-à-dire le pôle d’excellence franco-allemand (avec la Hochschule Kehl), et les chaires d’histoire de l’intégration européenne et de droit de l’Union européenne. La deuxième journée des castle-talks est spécifiquement consacrée aux activités de la chaire d’histoire de l’intégration européenne sur les récits européens des frontières dans l’histoire, d’autant plus que, comme l’a indiqué Birte Wassenberg, les frontières en Europe sont de plus en plus associées à l’idée d’une « Europe forteresse », et de moins en moins à l’ouverture et à une « Europe sans frontières ».

Table-ronde autour de l’« Europe sans frontières »

C’est dans ce contexte que la Chaire en Histoire de l’Intégration Européenne sur les « Narratifs Européens de la Frontière » a organisé une table ronde sur « l’Europe sans frontières », réunissant des chercheurs d’Europe occidentale. La session était présidée par Birte Wassenberg, Anne Thévenet de l’Euroinstitut de Kehl ayant eu un empêchement de dernière minute. Les chercheurs invités étaient Valeria Fargion (de l’Université de Florence), Michael Frey (de la Hochschule Kehl) et Daniela Braun (de l’Universität des Saarlandes). « L’Europe sans frontières » a incité Birte Wassenberg à orienter le séminaire vers une perspective plus générale que la seule crise du covid-19. Elle a délégué l’intervention sur ce sujet particulier à ses étudiants de 4ème année à Sciences Po Strasbourg. En revanche, la conférence donnée par les chercheurs portait sur leurs propres travaux et était basée sur leur domaine d’expertise. Valeria Fargion a ainsi présenté la situation du populisme et ses impacts sur le passage d’une « Europe sans frontières » à une « Europe forteresse » ; Michael Frey a développé en quoi le traité d’Aix-la-Chapelle (et les récents traités du Quirinal et de Barcelone) traite de la coopération transfrontalière ; et Daniela Braun a présenté une étude (actuellement en cours) sur l’impact de l’euroscepticisme sur les frontières des Etats membres de l’UE, et la manière dont l’argumentaire eurosceptique affecte les débats sur l’UE en tant qu’entité politique, mais aussi les politiques menées au niveau de l’UE. Après la table ronde, les étudiants du CEPA et de la Hochschule Kehl ont présenté certains de leurs travaux en groupes aux chercheurs de la table ronde, pour un retour constructif et une session de questions sur le thème de la présentation avec le public.

Chercheurs invités à la table-ronde « Europe sans frontières »

Valeria Fargion : Frontières et populisme

Valeria Fargion, de l’Université de Florence, a rappelé les principales phases de la construction des frontières de l’Europe. Cela s’est produit d’abord avec la construction de l’État (à partir de l’époque des traités de Westphalie), puis avec l’État-providence (avec les différences de politiques, comme la sécurité sociale, l’éducation, etc.) Avec la deuxième guerre mondiale et le traité de Rome, l’histoire s’est faite « contre 300 ans d’histoire » et de développement des identités nationales. Cependant, dans les années 1970, le développement économique s’est ralenti, permettant la montée des protestations des perdants de l’accélération de la mondialisation d’après-guerre. Les contestataires de cet abaissement des frontières sont identifiés comme des personnes souffrant de choix économiques, comme l’absence de politique fiscale commune dans les États européens soumis à l’intégration. Les mouvements populistes sont la réaction aux inquiétudes et aux angoisses économiques et culturelles, et se retournent contre les migrants, considérés comme des boucs émissaires au même titre que les élites perçues comme corrompues. Les populistes qui ont accédé au pouvoir, comme en Suède, en Italie ou en Grèce, ou qui disposent de solides bases, comme en France, demandent davantage de barrières physiques, comme des murs. En d’autres termes, pour les populistes, « le mur de Berlin était un symbole d’oppression ; il est maintenant un symbole de protection ». Interrogée sur les similitudes entre les populismes de droite et de gauche, Valeria Fargion a souligné que les formations populistes de gauche préfèrent cibler les entreprises internationales plutôt que les élites corrompues.

Valeria Fargion à la table-ronde « Europe sans frontières »

Michael Frey : Droit et « Europe sans frontières »

Michael Frey, de la Hochschule Kehl, a insisté sur le fait que les frontières ont des natures différentes selon le prisme à travers lequel nous les observons. En effet, une frontière peut être un lien ou une barrière, et peut être géographique, politique, économique, mais aussi culturelle, linguistique, etc. Le droit est toutefois l’un des aspects les plus importants des frontières actuelles, même si les frontières ne sont plus visibles d’un point de vue juridique dans l’Union européenne et dans l’espace Schengen, les frontières séparent toujours ces espaces intégrés du reste du monde. Les frontières peuvent également être fermées entre les États de cet espace intégré, comme l’a montré la crise de Covid. Il existe des dispositions dans les traités bilatéraux qui permettent de surmonter les frontières juridiques. C’est par exemple le cas de l’article 13(2) du traité d’Aix-la-Chapelle (France et Allemagne), mais aussi de l’article 10(2) du traité du Quirinal (France-Italie) et de l’article 30(5) du traité de Barcelone (France et Espagne). Il existe donc des outils juridiques pour faire disparaître les frontières au sein de l’UE, mais pas de volonté politique.

Michael Frey à la table-ronde « Europe sans frontières »

Daniela Braun : L’Euroscepticisme au-delà des frontières

Daniela Braun, de l’Universität des Saarlandes, a présenté un article inédit et non encore publié sur la montée de l’euroscepticisme (avec Giuseppe Carteny de l’Universität des Saarlandes et Ann-Kathrin Reinl de l’Universiteit van Gent). L’article se concentre sur les appels à une plus grande souveraineté nationale qui se font de plus en plus entendre depuis les années 1980 en Europe. Il s’intéresse tout d’abord à la manière dont les partis eurosceptiques façonnent la concurrence entre les partis au sein de l’UE. Afin d’évaluer cette question, les chercheurs ont analysé les différentes références dans les manifestos politiques de 2009, 2014 et 2019. Il apparaît que les partis eurosceptiques parlent davantage de l’entité politique « Union européenne » que des politiques européennes elles-mêmes, même s’il y a eu un tournant depuis 2019 où les politiques sont de plus en plus discutées. Cela permet de supposer que les partis eurosceptiques façonnent non seulement la concurrence entre les partis sur l’UE, mais aussi sur des politiques européennes particulières. La deuxième question de recherche se concentre sur la manière dont les partis eurosceptiques influencent la façon dont les citoyens soutiennent et reconnaissent la légitimité politique de l’UE. Les conclusions générales sont que les partis eurosceptiques se concentrent à la fois sur les questions de politique européenne et sur les questions politiques, et que le succès électoral des partis eurosceptiques affecte le soutien à l’UE. Cela signifie que les partis eurosceptiques semblent façonner la concurrence entre les partis sur les questions européennes et semblent avoir un impact sur la légitimité de l’UE (sans corrélation toutefois). On peut donc s’attendre à ce que le soutien des citoyens à l’UE diminue si les partis traditionnels ne répondent pas à la critique eurosceptique (et n’apportent donc pas de réponses politiques appropriées à cette critique).

Daniela Bran à la table-ronde « Europe sans frontières »

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