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Visite au Musée de la Ville de Strasbourg

Chaque promotion d’étudiants du Master 2 Relations Internationales, parcours frontières, expérimente la représentation de la frontière dans un musée de Strasbourg lors d’une visite guidée. Répartis en trois groupes de travail, ils confrontent les différents narratifs européens de la frontière aux périodes historiques d’Alsace et de la région frontalière. Leur travail fait l’objet d’un dossier de recherche qui est constitué par chaque groupe de travail sur leur interprétation des narratifs de la frontière tels que véhiculés par l’exposition

Les étudiants FRONT présents en compagnie de Birte Wassenberg devant le Musée Historique de la Ville de Strasbourg.

La chaire Jean Monnet « Narratifs Européens de la Frontière », depuis la perspective de l’histoire de l’intégration européenne et portée par Birte Wassenberg, a pour but de créer un nouvel enseignement de niveau Master à Sciences Po Strasbourg sur le rôle des frontières dans l’histoire de l’intégration européenne. Cette chaire est conçue comme le miroir d’une seconde, dirigée par Frédérique Berrod à Sciences Po Strasbourg sur les concepts frontaliers dans le droit de l’Union Européenne.

Le 10 novembre 2022, les étudiants du master FRONT se sont rendus au musée de la ville de Strasbourg pour y faire une visite guidée autour du thème des frontières. Après nous avoir accueillis à 14h, le guide a mené les étudiants au travers du musée, le présentant brièvement. Dans la première salle d’exposition, en face de la maquette du bâtiment Louise Weiss et le complexe européen de Strasbourg, il a exposé aux étudiants les grandes étapes de l’histoire de l’Alsace, allant de l’Antiquité à nos jours. Il a insisté sur la nature transfrontalière de l’emplacement sur lequel se situe la ville de Strasbourg, puisque le site d’Argentoratum, qui deviendra Strasbourg, était un lieu privilégié d’échanges dès le temps de l’Empire Romain. Le Haut Moyen-Âge et surtout le Moyen-Âge tardif ont été des temps de prospérité économique de Strasbourg, qui s’est mué en acteur de premier plan sur la scène internationale, notamment en raison de son industrie de canons. Après la conquête française de la région par Louis XIV, Strasbourg et l’Alsace ont continué de se distinguer par leur nature transfrontalière, impliquant une militarisation de l’espace visible dans les industries présentes à Klingenthal (Manufacture Royale des Armes Blanches d’Alsace, fondée sous Louis XV) et les ouvrages de Vauban (notamment à Kehl, Bitche, Fort-Louis, Huningue, et bien d’autres.), etc.

Le guide a ensuite amené les étudiants au travers l’exposition permanente jusqu’au premier étage, consacré en particulier à l’histoire de la ville après la Révolution. Il a réparti les étudiants en quatre groupes, chacun travaillant sur une période historique charnière, à savoir la période napoléonienne, la guerre de 1870, la Grande Guerre et la Seconde Guerre Mondiale. Chacun des quatre groupes avait des fiches correspondant à des éléments à chercher dans l’exposition permanente en lien avec ces périodes, puis avaient été priés de restituer ces éléments par une petite présentation de ce qu’ils avaient observé.

La première restitution a concerné l’histoire de l’Alsace et les guerres de coalition (fin de la Révolution et Empire napoléonien). L’exposition présentait les différentes traces d’époque présentes sur la région, étant donné qu’elle a été sur le front des guerres de coalition successives. Le territoire a par exemple été marqué par les batailles de Kehl en 1794 et 1796, le rattachement de Mulhouse à la France en 1798, la campagne d’Alsace du prince de Schwarzenberg en 1813, et par des personnalités majeures de l’époque comme Schulmeister (un espion au service de Napoléon 1er), le général Kléber (assassiné durant la campagne d’Egypte en 1800, une salle du musée lui est consacré) et le maréchal Kellermann. La présentation s’est faite autour de la carte représentant les batailles les plus marquantes de l’épopée napoléonienne et autour des sabres de la manufacture de Klingenthal ainsi que des shakos et des soldats de plomb de l’époque exposés à côté.

Simon Vanlichtervelde pointant la bataille de Leipzig sur la carte des principales batailles de l’époque de l’Empire.

Le deuxième groupe était consacré à l’étude de la guerre de 1870, particulièrement marquante dans l’histoire de Strasbourg puisque la prise de la ville et son rattachement à une entité allemande était un des principaux objectifs de guerre du Royaume de Prusse. La ville et les environs ont été particulièrement touchés par les sièges prussiens, qui ont intensément bombardé la ville. Un obus est toujours par exemple fiché dans le coin de l’hôtel de la cathédrale, il en reste aussi quelques-uns dans le quartier du Neudorf. Les étudiants de ce groupe ont plus particulièrement étudié le tableau représentant Emile Küss, alors maire de la ville de Strasbourg, par Théophile Schuler, peint en 1873. Ce tableau préfigurait la résignation de certains alsaciens à vivre dans l’Empire Allemand, proclamé à Versailles en 1871, même si certains se sont réfugiés en France (les optants). Cependant, ce tableau suscite avant tout la fibre revanchiste des alsaciens et des Français se sentant humiliés par ce conflit et la perte de l’Alsace-Moselle.

Lucas Staub étudiant le tableau du maire de Strasbourg Emile Küss, peint par Théophile Schuler en 1873.

Le troisième groupe s’attela à l’étude de la tête de la statue de Guillaume Ier. La statue équestre de Guillaume Ier avait été inaugurée en grandes pompes en 1911 sur la Kaiserplatz, dans la ville de Strasbourg alors allemande. La vie durant la première guerre mondiale a cependant été particulièrement dure, la population étant sous le coup de l’autorité militaire prussienne au fur et à mesure que l’Empire se muait en dictature militaire, ainsi que du rationnement. Les soldats alsaciens avaient également été envoyés dans la marine et sur le front de l’Est, puisque l’état-major allemand redoutait qu’ils ne sympathisent avec des Français. A la fin de la guerre, alors que les troupes françaises réinvestissent la ville de Strasbourg avec la chute de l’éphémère République des Conseils d’Alsace-Lorraine en 1918, des actes de vengeance contre l’occupation allemande se sont produits. La statue équestre de Guillaume Ier n’en réchappa pas, puisqu’elle fut si piétinée par les Français qu’elle en fut déformée.

Matéo Le Louër présentant les évènements de fin 1918 à Strasbourg, avec derrière lui la tête de la statue équestre de Guillaume Ier, déformée par les coups des Français revanchards.

Le dernier groupe a présenté une série de documents présentant Strasbourg durant la Seconde Guerre Mondiale. En effet, après la Grande Débâcle de 1940, Strasbourg et l’Alsace furent réintégrés dans un Reich allemand, au sein du Reichsgau Oberrhein (regroupant l’Alsace et la Bade). Le régime nazi installera sur le territoire alsacien le camp de concentration de Natzweiler-Struthof, exploitant une carrière de granit rose. L’Alsace fut le sujet de propagande nazie, considérant son histoire, raison pour laquelle la ville de Strasbourg accueillit pour une visite officielle Adolf Hitler, qui s’est rendu à la cathédrale. Le régime Nazi avait aussi mis en place des plans pour modifier l’architecture urbaine de Strasbourg pour en faire une ville modèle du Reich nazi.

La visite s’est conclue vers 16h, et les étudiants ont été invités à poursuivre la visite du musée. Au final, la visite a permis de mettre en évidence la nature frontalière de Strasbourg et de l’Alsace. Tout au long de son histoire, elle a été à la croisée des chemins entre France et Allemagne et est le témoin que les frontières sont des cicatrices de l’Histoire.

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