Le 5 février 2024 de 13h45 à 17h30 a eu lieu le séminaire sur le sport organisé par Birte Wassenberg, directrice du centre d’excellence et William Gasparini, porteur de projet de la Chaire Jean Monnet « Le sport passeur d’Europe ». L’introduction a été réalisée par la directrice du centre. Elle a ainsi pu insisté sur l’objectif de ce nouveau centre plus axé sur la résilience avec les crises de bordering. D’où la résistance à ce phénomène.
La parole était ensuite à William Gasparini qui mettait en exergue le processus de diplomatie à travers les rencontres sportives qui sont des éléments de rapprochement entre les peuples et d’oublis de la notion de frontière, mais plutôt de fraternité. Bien sûr, cela peut parfois mal fonctionner avec une compétitivité excessive entre deux peuples. Comme en témoigne celle qui a pu avoir lieu entre la France et l’Allemagne de l’Ouest lors de la demi-finale de la coupe du monde de football en 1982. Les sportifs sont donc parmi les premiers acteurs de la diplomatie sportive. À travers le sport, on partage des valeurs qui sont communes.
François Doppler-Speranza aborde cette question du partage et des frontières sportives sous un autre angle en citant Dennis Rodman qui grâce à ses relations avec la Corée du Nord souhaitait faire libérer la sportive Brittney Griner qui était détenue en Russie. Libération qui a pu avoir finalement lieu mais pas par l’entremise du basketteur Dennis Rodman. Il met ainsi en avant le rôle de la presse par le ciblage de l’information. Les médias sont des outils de diplomatie utilisés par les gouvernements pour exercer leur influence au-delà de leur frontière.
Sylvain Schirmann, ancien directeur de Sciences Po Strasbourg et professeur émérite d’histoire contemporaine à Sciences Po Strasbourg, nous a fait l’honneur d’être animateur de ces tables rondes. « Nous sommes tous des diplomates sportifs à partir du moment où l’on regarde du sport et qu’on intervient dans le sport » annonce-t-il. Nous sommes tous acteurs et diplomates sportifs dépassant le cadre strict de nos frontières par le biais de nos interactions notamment sur les réseaux sociaux.
Responsable Centre de Ressources Sport Transfrontalier travaillant pour le Comité Régional Olympique et Sportif (CROS) Grand Est Mélisande Beckmann nous dit que les élus sont convaincus des relations transfrontalières dans le sport. D’où le fait que le CROS du Grand Est soit intéressé par ces questions-là. En effet, ce comité s’inscrit dans 3 espaces transfrontaliers. Le Rhin supérieur possède un groupe de travail dédié aux questions transfrontalières, car ces espaces permettent d’obtenir des fonds interreg très utilisés dans les espaces transfrontaliers. L’Eurodistrict, par exemple, organise beaucoup d’événements qui touchent au transfrontalier et travaille avec l’office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ).
Travaillant pour le Conseil de l’Europe, Julien Attuil-Kayser responsable de l’unité anti-dopage explique que la création du conseil avait pour but de développer des valeurs communes et de rapprocher les peuples. Il aborde les problèmes qu’a pu rencontrer l’unité anti-dopage à sa création. La volonté de réguler des sportifs réticents. La nécessité d’une structure légale et des normes communes contre le dopage. Le partage de valeur commune dans la coopération transfrontalière.
Mélisande Beckmann évoque une communication plus intensive des médias dans la mise en place de la coopération transfrontalière à tous les étages. Elle évoque également la pluralité d’acteurs qui rend difficile cette coopération. « Qui sont les interlocuteurs à qui l’on doit s’adresser de l’autre côté de la frontière ? ». De plus, les structures sportives professionnels ne s’intéressent pas forcément au transfrontalier car cela ne représente pas grand chose dans leur budget.
S’est ensuite déroulée une autre table ronde débutée par Xavier Breuil, chercheur associé à l’université de Franche-Comté et animée cette fois-ci par François Doppler-Speranza. Il s’agit de la diplomatie par le sport. À cet effet, Xavier Breuil décide d’introduire son propos avec l’exemple d’Alice Milliat qui va militer pour inclure des épreuves féminines aux Jeux olympiques. Comme le sport est un espace d’échange, mais également un espace de compétitivité, elle fait face à de nombreux problèmes. Elle réussit tout de même à inclure des épreuves féminines.
Cette inclusion continue après sa mort, mais traverse encore des tensions, notamment lors du tournoi de football féminin international organisé à Taiwan en 1981 en pleine crise avec la Chine qui organise également un tournoi. Les partages transfrontaliers sont donc parfois sujet à des rivalités politiques comme nous le disions plus haut. Ces tensions peuvent également s’exprimer par l’absence de partage de valeur jugée fondamentale, comme le droit des femmes. Comme cela a pu se voir lors de la coupe du monde féminine qui devait être sponsorisée par l’Arabie Saoudite en 2023.
Cette table ronde s’est terminée avec l’intervention de Carole Gomez, assistante diplômée en sociologie du sport au sein de l’Institut des sciences du sport de l’Université de Lausanne. Les difficultés ont encore été abordées avec la priorité des agendas de chacun, d’un certain tâtonnement entre les différents organismes. Mais aussi de l’imprécision dans les contours sur la diplomatie sportive de l’Union européenne ce qui met à mal les relations transfrontalières et le sport entre les différents pays de l’Union européenne. Aucun bureau spécifique n’est dédié à la diplomatie sportive.
Cependant, d’autres bons points ont également été vus, comme les projets Erasmus qui permettent une certaine coopération entre pays du fait que les acteurs à tous les niveaux (locaux comme nationaux) tentent de mettre en place des projets de coopération.
Frédérique Berrod, directrice adjointe du centre d’excellence pointe le manque de compétences de l’Union européenne dans le sport. Cela dénote une crainte des états membres de partager leur souveraineté sportive devant la Commission européenne.
Comme le prévoyait le programme Sylvain Schirmann a donc conclu cette table ronde. Quatre angles ont été mis en avant dans la mise en place de cette coopération :
- Le mouvement sportif qui peut faciliter énormément de choses comme l’adhésion de la Turquie aux instances sportives européennes alors même qu’elle n’est pas membre de l’Union européenne
- Les états
- Les organisations internationales
- Les acteurs privés qui financent des clubs sportifs avec parfois des soutiens religieux (Islam, catholicisme et protestantisme dans le sport)
Des messages politiques sont envoyés à travers les décisions d’instance sportive comme la fédération d’Irlande qui n’est pas divisé avec le Nord.
Enfin et bien entendu ce séminaire n’aurait pas été possible sans les participants.