Du 5 au 6 octobre 2023 la hochschule de Kehl a accueilli l’un des événements organisés par le centre d’excellence. L’évènement a rassemblé une quarantaine d’étudiants et intervenants pour échanger autour de la résilience des frontières. Ce séminaire s’est inscrit dans une optique de dialogue entre les intervenants et les élèves.
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Le séminaire a débuté avec une introduction de Bernard Reitel
La notion de résilience a été introduite dès le départ afin de mieux situer les contours de ce séminaire. Cette notion ne pouvait se définir sans parler de l’autre côté de solutions et notamment de solutions innovantes. Son propos s’est ensuite dirigé vers les crises.
On s’aperçoit que les frontières, ces dernières années, sont associées à des crises. Economique et financière comme dans les années 2010, le terrorisme et plus récemment le Covid 19. On note la capacité à se relever de ses épreuves.
Il y a tout de même une distinction à faire entre les frontières internes et externes de l’Union européenne. Les espaces transfrontaliers ont des logiques qui s’affrontent. Celles des villes qui s’inscrivent dans une logique de proximité. La frontière révèle ainsi une asymétrie et parfois, l’existence de ces différences génèrent des difficultés à trouver des solutions communes.
Cette capacité à passer outre les problèmes traduisent une intelligence collective. Les acteurs ne peuvent donc pas uniquement y trouver des obstacles, mais également des ressources.
Samuel Rufat a abordé la problématique en se plaçant par rapport à l’intérêt entre l’interface environnementale et les aires urbaines. Comment les villes s’adaptent par exemple aux changements climatiques ? L’idée de résilience est une idée ancienne, elle a eu un regain après le 11 septembre.
Il prend l’exemple des ouragans ayant eu lieu en Amérique. 10 ans après l’ouragan Katrina, le président Obama parle de la nouvelle Orléans comme étant la définition de la résilience. Après Katrina a été développé l’idée d’une gentrification climatique. On modifie la valeur du sol et le type de population qui va vivre dans ces endroits.
Les incitations fiscales à la reconstruction ont entraîné des caricatures pour servir d’autres populations et d’autres intérêts que le but premier de reconstruction. Les personnes qui habitent dans les nouveaux locaux ne sont pas les mêmes que celles qui habitaient à l’origine dans ce milieu. C’est l’exemple de la forêt qui brûle et de la végétation qui repousse juste après.
L’une des clés réside dans le fait de reconstruire les infrastructures en mieux nous dit Samuel Rufat. Où est la résilience, elle réside dans les structures. On construit des bâtiments qui résistent mieux au choc. Dans les périodes de destruction, on perd des êtres humains. Il y a l’idée dans la résilience qu’il faut sacrifier une partie pour que d’autres apprennent la leçon. Dans la résilience, il y a toujours quelque chose qui coûte.
Les enjeux politiques
Le problème est que le discours de la résilience est partout. Les organisations internationales ont basculé de sa prise en compte vers un accompagnement. Il y a des levées de fonds très importantes pour faire de la résilience. Pourquoi ?
Il y a plusieurs interprétations :
La première est qu’aujourd’hui les choses sont pires que ce que la communauté laisse à penser. Les choses sont pires dans la réalité que ce qui a été prévu. On ne sait plus comment assurer, estimer. Donc il faut responsabiliser les habitants pour qu’eux même fassent une partie du travail.
Deuxième interprétation, l’enjeu est celui d’un consensus politique pour permettre une réduction des inégalités.
Question du public : y a-t-il des standards internationaux pour mesurer la résilience.
Réponse : Non. La COP 21 a été un échec cuisant pour les pays très touchés par les effets climatiques.
Les bidonvilles sont la forme urbaine qui répond le plus à la définition de la résilience urbaine et pourtant, on n’entend jamais de discours sur le fait que les bidonvilles sont résilients. Tout cela, car ce ne sont pas des discours scientifiques.
Deux manières de conclure. Une optimiste celui du rapport au jeu vidéo. Ceux qui jouent aux jeux vidéo ne représentent pas une communauté d’addicte et n’ont pas de problème par rapport au jeu.
Une manière pessimiste, celle de quelqu’un qui n’ose pas se dire la vérité et regarder la réalité en face. La résilience de qui ? La résistance quand ? La résilience sur quel territoire ? Est-ce qu’il y a des gens qui revendiquent la résilience pour eux-mêmes ?
Une étude montre que donner au hasard de l’argent au contribuable apparaît plus efficace que les politiques ciblées. C’est un débat aux Etats-Unis. Utiliser des indicateurs est contre-productif. Quand les indicateurs disaient que des zones étaient plus résilientes, elles l’étaient moins. À l’inverse, lorsque les indicateurs disaient qu’elles étaient moins résilientes, elles l’étaient plus.
Pourquoi n’arrive-t-on pas à mesurer la résilience ? C’est parce qu’on n’arrive pas à se mettre d’accord sur quoi nous parlons. C’est donc difficile d’avoir un outil de mesure. On n’arrive pas à se mettre d’accord rétrospectivement si un territoire a été résiliant.
Les élèves avaient l’air d’être très réceptif à la résilience et notamment lorsque les questions de résilience face au climat ont été abordées.
Frédérique Berrod, professeure à Sciences Po Strasbourg et directrice adjointe du centre d’excellence, nous parle de l’idée d’acceptabilité. On le voit dans la transition climatique, l’enjeu est l’acceptabilité sociale. C’est la première fois que l’Union européenne travaille avec l’idée d’une transition juste. Il y a des personnes qui perdent dans la transition, ce n’est pas gagnant-gagnant.
Les questions de désastre et de post-désastre vont continuer à aller en s’accroissant. On a un terrain empirique immense en termes de résilience. Tous les romans, les séries de type post-apocalyptique. L’histoire est toujours de la reconstruction et de la restructuration.
L’idée est qu’il y a une frontière et que les états ont une obligation de loyauté les uns envers les autres au regard de certaines problématiques comme le covid-19.
Anna Karina Kolb nous parle de la particularité de la Suisse qui fait partie du marché sans faire partie de l’union. En terme de gouvernance le grand Genève est une nouvelle forme. 7000 personnes qui transitent par le Leman express. Face au Covid, la résistance s’est opérée naturellement. En 24h ont été ouverts des couloirs pour permettre au canton de Genève d’autoriser le personnel sanitaire de pouvoir traverser la frontière.
Ce qui a bien marché a été la libre circulation des secours. Le passage du reconfinement au déconfinement n’était pas le même entre les deux frontières. La libre circulation des besoins les plus primordiaux entre les deux frontières s’est faite assez naturellement.
Il est très rare qu’à la frontière entre le suisse et la France la coopération policière ne se fasse pas. Cela passe par Paris. La dimension socio-économique a été un facteur primordial, il y a à Genève 130 000 personnes qui traversent la frontière chaque jour. Les frontières à Genève sont politiques.
Le covid a été un révélateur, une photo instantanée de l’intégration. Tout ce qu’on a mis en commun fait partie de la capacité de résilience d’une communauté. Les « softs skills » également, c’est à dire la capacité à vivre ensemble, à bricoler, à revenir sur nos décisions. La capacité à trouver des solutions. Cela veut également dire un apprentissage politique avec des élus différents de part et d’autre de la frontière.
Pour Manuel Friesecke, il est important d’avoir des conclusions sur ce qu’il s’est passé. Genève est complexe, mais Bâle l’est encore plus, car ils doivent choisir à trois et ont trois environnements juridiques différents. Différents systèmes éducatifs, de police, il faut pouvoir s’entendre. Durant le covid, chaque canton a agit dans son propre territoire. Il n’y a pas eu de coopération dans le territoire de Bâle avec les autres cantons (Saint-Louis et Weil Am Rhein).
Les trains ne circulaient plus, les trams également. Ce qui a aidé, c’est une longue tradition de coopération tri nationale. Une base a été établie, une base de confiance, de coopération, les institutions et la conférence du Rhin supérieur où les politiciens se connaissaient.
Le principe de subsidiarité a prévalu pour les éléments de base. Il a pu créer des interdépendances. Cela sert de base et d’échange utile dans les situations difficiles. Le processus d’établir la confiance est également important. Il s’agit d’avoir une certaine ouverture à l’autre, mais dans des conditions difficiles. Les frontières sont des lieux de rencontre et d’innovation, donc des espaces positifs.
En avril une conférence avec des experts venant de partout. Sur le long terme, cela nous aide à obtenir de la visibilité. Du côté allemand c’était un choc sur le long terme. Le fait que des liens existent déjà entre plusieurs nations leur permet de sortir par exemple des crises financières bien plus rapidement.
On sait que la résilience dépend du territoire. La différence entre est et ouest en suisse permet de mieux comprendre les disparités dans la résilience elle-même en terme géographique.
Loic Delhuvenne, Directeur général de l’Agence de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai et présent en visio nous parle de son expérience en Belgique où les autorités en charge de la fermeture des frontières étaient les bourgmestres. L’Agence de l’Eurométropole a développé un site web qui a permis d’accueillir plus de 70 000 utilisateurs. Traverser la frontière pour rentrer chez soi avec des autorisations différentes selon le pays dans lequel on est était difficile. Le site a permis de définir ce qui était vraiment essentiel et a permis à des autorités locales et régionales de définir un cadre législatif.
Plus on avançait plus il était compliqué en termes de procédure de passer d’un côté à l’autre de la frontière. La communication était difficile parfois les règles changeaient ce qui donnait lieu à des échanges entre la police française et les autorités belges. La solution est passée par une meilleure communication sur les réseaux sociaux.
Geraldine Bachoue Pedrouzo, Maître de conférences à l’Université de Pau
Geraldine Bachoue Pedrouzo prend l’exemple de la communauté d’agglomération du pays basque en tant que base.
Au pays basques, seulement 2000 frontaliers font la navette chaque jour. Eurocité s’étend sur 50 kilomètres. La communauté d’agglomération du pays basque est située à l’extrémité occidentale de la frontière. Elle est dotée d’un livre blanc avec une stratégie commune. De nombreux projets transfrontaliers sont portés directement par des collectivités locales.
L’Eurocité basque n’est plus très active, elle nous parle donc du cas de la communauté du pays basque. Correspond à la moitié du département des Pyrénées atlantique (110 km de long pour 70km de large, 158 communes et 312 218 habitants).
C’est un acteur actif. Le transfrontalier fait partie de ces objectifs en lien avec la loi Maptam. La stratégie est de faciliter la vie des habitants et de développer des pratiques communes. Le bassin a souffert de l’absence de concertation entre les autorités espagnoles et françaises sur les modalités d’autorisation de sortie de part et d’autres de la frontière.
Durant la crise sanitaire, il a fallu veiller à maintenir les relations transfrontalières. Développer les actions qui pouvaient l’être. Répondre à la crise à travers des projets transfrontaliers. Adapter les actions en cours à la crise sanitaire.
Progressivement, les élus se sont associés à cette contestation citoyenne de la fermeture de la frontière. Les élus ont demandé un statut spécifique pour les travailleurs transfrontaliers aux autorités espagnoles. Depuis la fin de la crise sanitaire, la CAPB multiplie les opérations concernant la scène transfrontalière, comme la création d’assises transfrontalières. La CAPB cherche à se poser en penseur de l’avenir transfrontalier.
La première chose à comprendre est la coopération nous dit Elisabetta Nadalutti. Elle cite Bergson qui fait référence à cette réalité qui change. La société d’un côté est fermée. Il y a des lois et des règles. Ces règles sont enrichies par l’expérience humaine. Malgré les dynamiques de changement, il y a des valeurs intrinsèques. C’est plus facile de développer une coopération quand on a une langue commune par exemple.
Ces développements peuvent aussi être appliqués aux projets. Il n’y a pas de stratégie de longue durée lors des épisodes de coopération. C’est un projet de société fermée dans la longévité. La Commission européenne essaie de présenter des projets avec plus d’intégration. Exemple de Gorizia et nova gorizia où les langues italiennes et slaves se croisent.
La directrice du centre d’excellence lance son introduction sur le borders and resilience
Le rebordering n’a pas lieu uniquement pendant la crise covid. Donc quand on parle de résilience, on ne fait pas uniquement référence à cette crise. La crise migratoire a amené à une ouverture puis à une fermeture des frontières. À Strasbourg lors de la fermeture, le fait de ne pas voir ces proches a été une forme de résistance.
La résilience est également un fait lorsque les frontières sont crées. C’est pour eux une forme de résilience contre la déstabilisation extérieure. Les causes de la résilience peuvent donc être multiples et revêtir des formes très différentes.
D’après Manuel Friesecke, hier on essayait de définir la résilience et on a constaté qu’elle avait un caractère assez flou appuyant le propos de Samuel Rufat sur la mesure de la résilience. L’aspect écologique, économique et dynamique. Notamment, comment gérer des crises ? Egalement la question de l‘évolution sociétale. Il faudrait établir un espace harmonisé à la frontière. Améliorer les mécanismes de communication. Pour ce faire, il faut s’approprier ce qui existe déjà, le faire évoluer et le faire mieux. Il faut recenser et soutenir les formes de résilience.
Les interventions donnent lieu à un débat.
La sollicitation de la presse a été évoquée. La barrière de la langue est évoquée également. Birte Wassenberg avance que les médias ne s’intéressent pas aux transfrontaliers à cause de ce point. Bernard Reitel prend l’exemple de la voix du nord qui émet très peu d‘informations qui se déroulent de l’autre côté de la frontière. L’Alsace, au contraire, a toujours un regard sur ce qu’il se passe en Allemagne.
Proposition de Manuel Friesecke : Un observatoire des frontaliers avec des compétences comme le développement des infrastructures publiques comme le tram. Peut-être faut-il une stratégie transfrontalière. L’autre côté n’est pas forcément négatif et le fait de vouloir coopérer met au premier plan la volonté d’effacer les effets négatifs. Pour avoir de l’interculturels, il faut de la curiosité, il faut qu’on ait envie d’aller voir l’autre. Cela se travaille en amont durant la petite enfance. Question de la limite de financement parce que les relations dépassent le cadre des financements que l’union peut proposer.
Ailleurs en Europe à la fin de la crise covid certains ne se sont pas réconciliés avec des pays voisins. L’identité européenne a été oubliée à la création de l’union. Le soft power comme les notes dès l’enfance en France et beaucoup plus tardive en Allemagne sont un exemple.
Témoignage du fait qu’il a été habitant frontalier durant des décennies. Les faits transfrontaliers sont représentés de manière minoritaire. Avec les années certains programmes européens se sont développés. Cette conférence se focalise sur le niveau local et supérieur.
Les impacts du Comité des Régions sur la résilience sont également importants. Le conseil du Rhin supérieur occupe également une position centrale. Les gens savent que la vie ne s’arrête pas au niveau national. La résilience est construite sur des fondations sociales solides. La flexibilité est la clé à la résilience. Le principe de subsidiarité permet un meilleur contrôle à chaque niveau.
Les propositions de transparence entre les différentes communautés. Ce qui inclut un degré de confiance important. Investir dans l’apprentissage. Cela requiert un certain nombre de compétences. Il est aussi question d’amener l’Europe à son origine, c’est-à-dire à un peuple qui s’est toujours mélangé.
L’une des plus grosses menaces actuelles aux démocraties est la désinformation. C’est donc également la résilience face à ce nouveau fléau. Les désinformations sont délibérément utilisées pour troubler le débat public et déstabiliser la démocratie. Cette menace doit être prise au sérieuse au vu des élections européennes l’année prochaine nous dit Josha Frey. Il conclut alors en nous incitant à travailler ensemble à une meilleure résilience à tous les niveaux de gouvernance.
Vous trouverez ci-après toutes les interventions :